Une ballade au bord de l’eau

Il aimait se promener au bord de la rivière, particulièrement au début du printemps.
A cette époque de l’année, le ciel est bleu, parsemé de petits nuages, blancs et duveteux comme des perles de cotons accrochés à une légère robe d’été flottant sous la brise.

Le feuillage des arbres laisse filtrer juste assez de rayons de soleil pour vous permettre de flâner en observant les oiseaux reprendre possession de leur habitat.

Le vent trouble la rivière en petites vaguelettes qui jouent à éblouir l’admirateur trop insistant.

Le temps semble vouloir prolonger la matinée jusque tard dans la soirée, alors que les promeneurs se succèdent tels des pèlerins venus rendre hommage à la nature renaissante.

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Les maux du manoir

J’arrivais devant la large grille du manoir. Ce mois de décembre était particulièrement , et ma soudaine immobilité me fit frissonner. Je passais ma main entre les ferronneries du portail pour actionner la sonnette. J’avais été appelé pour venir au chevet du baron qui, m’avait-on dit, était au plus mal. La porte s’ouvrit et la gouvernante, traversant l’allée de tilleuls vint m’ouvrir la grille.

Je la suivais jusqu’à la porte de la demeure tandis qu’elle m’exposais la situation. Le baron s’était trouvé mal peu après le déjeuner ce jour là. Il commença par se plaindre de douleurs aux ventre, puis fût transporté dans son lit, lorsqu’il ne fût plus en mesure de se déplacer.

Heureusement que le manoir était équipé du téléphone et que Louis, le fils du baron avait été en mesure de transporter son père, car la demeure était éloignée de tout et seul le baron était apte à conduire l’automobile garé dans l’allée. Elle me confia qu’elle trouvait son état fort préoccupant, mais qu’elle essayait de dissimuler ses craintes devant le fils du baron et sa propre fille.

Une fois entré, je gagnais la chambre du patient afin de l’ausculter. Il ne me fallut pas longtemps pour découvrir qu’il avait tout simplement été empoisonné. Toutefois, craignant la réaction d’un présumé coupable, je décidais de garder ma découverte pour moi-même le temps d’en apprendre plus sur les occupants de cette maison.

Une tempête de neige arriva à point nommé et m’offrit une excuse parfaite pour éviter de rentrer à mon cabinet et surveiller les événements au manoir. Je remerciais dame Nature pour cet heureux hasard et commençais à discuter avec la gouvernante afin d’en apprendre plus sur l’histoire de la famille.

Elle m’apprit que la femme du baron était morte quelques années plus tôt et qu’il l’avait alors contacté afin qu’elle entre à son service. Depuis, ils vivaient tous dans le manoir où les jours s’écoulaient paisiblement, partagés entre la lecture, les promenades et l’entretien de la propriété.

Je sentais une certaine émotion dans sa voix, lorsqu’elle parlait du baron.

Je prétextais un besoin de connaître les antécédents familiaux afin de m’entretenir avec le fils du baron. Je le surpris dans le salon en pleine conversation avec Sophie, la fille de la gouvernante. Il me semblait évident que tous deux en était au prélude d’une histoire qu’ils rêvaient d’écrire à quatre main.

Il me parla de la mort de sa mère, je sentais aux vibrations de sa voix qu’il s’agissait encore un sujet sensible pour lui. Il m’expliqua que son père jusqu’alors jovial s’était brusquement racorni, qu’il était devenu extrêmement sévère et renfermé. A sa façon se s’exprimer, il était clair qu’il en voulait énormément à son père et qu’il nourrissait de la haine envers lui.

Prenant congé du fils, je feignais de me perdre dans le manoir pour trouver sa chambre. Je ne fus pas tout à fait surpris d’y trouver dans une poubelle, des spécimens d’amanite citrine. Un champignon que les néophyte confondent souvent avec l’amanite phalloïde en raison de son aspect, bien qu’il n’en partage pas l’effet létal.

Cette découverte confirmait mon diagnostic selon lequel, le pronostic vital du baron n’était pas engagé. Je choisis donc de partager mes conclusions avec la gouvernante.

Lorsque je lui exposais les faits, elle fondit en larmes. Elle m’expliqua que son engagement par le baron n’avait rien d’un hasard, qu’ils se connaissaient de longue date et qu’ils s’aimaient passionnément. Le baron, qu’on comptait au nombre des héros de la nation, se devait d’être vertueux et bien que la mort de sa femme leur permit de se rapprocher, il se refusait à avouer publiquement leur idylle. Ce lourd secret lui pesait, c’est pourquoi il s’était renfermé et n’avait plus de contacts avec l’extérieur.

De plus, les discrets amants étaient informés de l’amour qui animait leurs enfants respectifs et se refusaient à leur fermer les portes d’un bonheur futur. Elle m’expliqua que le baron avait trop honte de son comportement pour s’en ouvrir à son fils, et que ce dernier avait interprété l’humeur maussade et l’irritation permanente de son père comme un refus définitif de sa liaison avec Sophie.

Louis, qui avait surpris la fin de notre conversation fut pris de sanglots et courut au chevet de son père, le priant d’accepter ses excuses. Je leurs expliquais que ses jours n’étaient pas en danger et qu’ils ne l’avaient d’ailleurs jamais été.

Le baron se sentant en meilleur forme nous venir à ses côtés. Il prit la main délicate de Sophie dans ses grosses mains, et regardant son fils dans les yeux il lui dit:

_ « C’est à moi de te présenter des excuses, je savais ce que tu ressentais pour Sophie, mais tu ignorais dans quelle position mes mettaient tes sentiments. J’aurais dû te parler avant. Saches que je ne te ferais pas obstacle. Quant à vous docteur, auriez-vous l’amabilité de garder tout cela secret ? Je ne souhaite pas attirer l’attention sur notre famille. D’autant qu’il n’y a eu aucune conséquences fâcheuses. »

Le lendemain je quittais le manoir en laissant ses occupants dans leur abîme de solitude et de secrets partagés, mais en sachant qu’ils pourraient vivre heureux.

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La musique et ses mots

Tout commence par un lent grognement métallique. Une mélodie simple et lancinante.

Arrive ensuite une lame de fond de graves cadencée par de lourds impacts qui viennent renforcer le rythme du grondement.

Puis tout semble s’arrêter, alors qu’on perçoit le murmure d’une voix sur des notes aériennes plus espacées et égrainées au fil de quelques tintements.

Le tempo s’accélère, la lame de fond devient un déchainement qui se fracasse sur le claquement des coups accélérés. Le grognement devient un hurlement et la colère sourde jusqu’à présent laisse éclater sa voix.

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Avoir quelque chose à dire

Il y a de ça environ 5 ans aujourd’hui, à la fin de son cours un professeur, ou plutôt formateur, a demandé à son auditoire, dont je faisais partie:

_ « Avez-vous quelque chose à  ajouter ? »

Comme souvent dans ce genre de situation, la gène des étudiants était palpable. Ils baissaient les yeux vers leur table ou parcouraient les visages de leur camarade, cherchant celui qui oserait prendre la parole.

Je ne sais plus exactement comment ça s’est passé, mais je me souviens alors que le formateur s’est adressé spécifiquement à moi, me demandant si je n’avais rien à dire.

J’ai répondu brièvement que non, je n’avais rien à dire.

Il s’est alors adressé à nous tous:

_ « Les occasions où la parole nous est donnée sont suffisamment rares, pour que chacune d’elles soient exploitées. Car lorsqu’on a quelque chose à dire, on n’a pas forcément la parole. »Aujourd’hui j’ai quelque chose à dire et j’ai la parole, à défaut d’avoir un auditoire.

J’ai toujours été foncièrement idéaliste même si j’ai souvent recours au cynisme pour décrire et supporter le monde que m’entoure.

Je comprends que bien que chacun serve ses propres intérêts, la plupart du temps, l’organisation de notre société fait en sorte que les intérêts de l’individu soient également ceux du groupe.

Je peux comprendre certaines personnes désespérés que la peur amène à commettre des actes répréhensibles.

En revanche, je ne comprends pas ces gens qui persuadés de détenir la vérité veulent imposer universellement leur vision du monde, y compris en ayant recours à la contrainte ou la violence.

C’est d’autant plus difficile à accepter que les valeurs qu’ils posent comme nécessité absolue, alors qu’elles découlent d’un choix ou d’une opinion personnelle, ils sont incapables de les respecter eux-mêmes.

Je pense que c’est la peur de la différence et de l’inconnu qui guide leurs actions. Ils ne peuvent envisager ou concevoir l’autre avec ses différences, comme si sa seule existence mettait la leur en péril. Je n’imagine pas l’angoisse qui doit les habiter si la simple évocation d’une idée peut faire trembler l’édifice mental qu’ils se sont construits pour appréhender la complexité du monde.

S’ils sortaient de leur caverne, ils verraient que ce qu’ils considèrent comme une abomination n’est finalement qu’un être qui leur est semblable, avec ses doutes, ses craintes, ses qualités et ses imperfections.

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Réflexion au présent

Il est assis en face de moi, le coude appuyé sur la table. Sa tête repose sur sa main, comme si l’effort à fournir pour la maintenir droite était trop important.

Ses yeux sont grands ouverts, il semble fixer un objet situé sous la table.

Son visage est impassible, son expression parfaitement neutre. Seul les lents et réguliers mouvements de ses respirations permettent d’identifier qu’il fait partie du monde des vivants.

Parfois pourtant, ses épaules se soulèvent brusquement, puis retombent alors qu’il laisse échapper un long soupir trahissant son insatisfaction. Il change alors de position, relève la tête et porte son pouce à sa bouche. Il joue alors à faire claquer son ongle contre ses dents, puis reprend sa méditation.

Soudain, ses yeux se plissent, puis s’écarquillent. Il se redresse. Dans un même mouvement, il se lève et ramasse ses affaires avant de quitter le café.

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Un poisson

Il était une fois un poisson qui voulait voler.

Ses compagnons poissons se moquaient de lui :

_ « Tu n’es pas un oiseau, tu es un poisson, tu dois donc nager et non voler. », dit l’un d’eux.

_ « De toute façon, si tu pouvais voler, tu souhaiterais nager. », lui dit un autre.

_ « Et pourquoi devrais-je choisir ? « , leur demanda-t-il sans espérer de réponse.

Les autres poissons lui répondirent par des ricanement et le laissèrent à ses rêveries.

Alors qu’il ondulait près de la surface un oiseau s’approcha et lui dit :

_ « Si tu veux voler, il te faut des ailes et des plumes. »

_ « S’il en faut, j’en aurai. », répondit-il, sûr de lui.

Il passa alors des journées entières à nager près de la surface. Dès qu’il avait pris suffisamment de vitesse, il donnait un coup sec avec sa nageoire caudale pour se propulser vers le haut.

Il mit tant d’effort à l’affaire, que ses nageoires s’affinaient un peu plus chaque jour.

Il tira tellement sur ses nageoires, pour les étendre comme des ailes, qu’elles devinrent plus large.

Enfin, un jour, il parvint à s’élever au dessus des flots. D’abord sur une courte distance, puis au fur et à mesure il fût capable de planer sur plusieurs centaines de mètres.

C’est ainsi qu’apparurent les premiers poissons volants, grâce à celui qui refusait de faire un choix et dont l’acharnement finit par payer.

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Histoire

Il était une fois une histoire qui ne voulais pas être écrite.

Elle refusait d’être lue avant d’être parfaite, or elle ne trouvait personne dont la talent suffise à ses ambitions.

Les récits apparus au même moment qu’elle l’incitait à choisir un écrivain. Ils lui disaient que beaucoup de lecteurs seraient content de la partager. Vaniteuse, elle leur répondait que le fait d’être racontée et déformée ne la satisfaisait pas.

_ »Lorsque je serai lue tout le monde se souviendra de chacun de mes mots, de chacune de mes phrases. Il est hors de question que des profanes puissent ternir mon éclat et entâcher ma beauté. »

Elle finit par trouver un écrivain à sa mesure. Il n’était jamais satisfait de ce qu’il écrivait. Il passa des mois entiers à écrire et réécrire l’histoire, mais le résultat ne lui convenait jamais. Il fallait que chacun des mots soient parfait, qu’il soit placé au bon endroit. Il passa même un après-midi complet à déplacer une virgule dans une phrase pour lui trouver le bon emplacement.

Malheureusement, le perfectionniste mourut avant que quiconque ne puisse lors le fruit de son travail acharné. Il ne laissa derrière lui que des piles de papiers dont le contenu n’était que râtures et rayures. Personne n’eut le courage de trier ces notes pour en extraire une histoire jamais contée.

L’histoire qui voulait être parfaite est donc perdue à jamais, et personne ne vous la racontera.

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Question d’emplacement

Dans mon jardin, il y a une plante.

Sur cette jolie plante il y a un une abeille.

A côté de cette fine abeille il y a un cocon.

A l’intérieur de cet étroit cocon se cache la mue d’une chenille.

Sous la pâle mue de cette chenille il y a un papillon.

Au dessus de ce papillon coloré le soleil éclaire le monde.

Autour de cet éblouissant soleil des nuages sont dispersés.

Parmi ces nuages duveteux, il en est un gris et froid.

Celui-ci s’est perdu, il était au milieu d’une tempête avec ses semblables lorsqu’une bourrasque a soufflé un peu trop fort et les a subitement éloignés.

Au milieu de l’été, il y a donc un nuage qui demande son chemin.

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Choisissez moi !

Cela fait maintenant plusieurs mois que je me prélasse sur cette étagère.

Au début, je trouvais un certain confort dans cette situation, la tranquillité et la sécurité m’étaient assurés. Je ne risquais pas d’être oublié sur un banc et de finir livré aux éléments, l’encre de mes pages se diffusant jusqu’à en perdre mes mots, puis mes phrases. Pour finir mes fragments auraient été dispersés jusqu’à ce que j’oublie l’histoire qu’il est de mon devoir de conter.

Mais ce n’est pas arrivé, je suis ici, bien au chaud au milieu des rayonnages de la bibliothèque.

Les jours s’écoulent tranquillement alors que je vois les gens défiler et choisir certains de mes voisins. Lorsqu’ils reviennent, ils rapportent avec eux un peu de leur lecteur. Des notes laissées sur leurs pages leur offrent de nouvelles histoires à raconter. Parfois, ils ramènent même un marque-page oublié, un billet de train comme souvenir des voyages accomplis, un prospectus témoignant de la personnalité de celui qui a parcouru leurs pages.

Il y a deux mois, un grand personnage dont l’allure laisse supposer qu’il est professeur m’a violemment envoyer derrière le rayonnage alors qu’il se saisissait d’une de mes voisines dont je jalouse le succès. Je suis resté deux semaines à l’écart de tout, pensant que c’en était fini de moi.

Mon salut pris la forme d’un enfant qui s’était mis en tête de ranger la bibliothèque. J’ai d’abord cru qu’il allait m’emprunter, que je pourrais alors faire des découvertes, voir de nouvelles choses. Malheureusement, il ne cherchait qu’à me regrouper avec les autres livres ayant une couleur proche de la mienne.

Ainsi, je me suis retrouvé avec les romans noirs et les polars. La prochaine fois que vous allez à la bibliothèque, cherchez un ouvrage qui n’est pas à sa place: « L’autobiographie d’un livre ». Et s’il vous plait, sortez le de son rayon, emmenez le en voyage que je puisse raconter de nouvelles histoires.

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50 présences de gris

Depuis quelques jours, on dirait que tout est gris. Le chat du quartier qui était tigré cet été est devenu gris. Le ciel et les nuages se sont mêlés de gris afin qu’on ne puisse plus les distinguer.

La route semble vouloir absorber les voitures, dont sortent des gens en costume gris qui trainent leur grise mine sur des trottoirs recouvert d’une neige qui devrait être blanche.

Des journalistes de mode aigris ont décidé que cet hiver la mode serait au gris.

Le monde n’a plus de couleur, plus de contraste. Il n’en reste qu’un gris sans nuance.

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